Après les ravages de la guerre et le boom de la construction, Erevan, la capitale arménienne, court le risque de se transformer peu à peu en un semi-désert poussiéreux.
« Au cours de ces dernières années, la ville a perdu 12% de ses espaces verts », regrette la chercheuse Karina Danielian, professeur à l’Université d’Erevan et auteur d’un rapport sur la situation écologique en Arménie.
« La concentration des bâtiments dans la ville augmente de plus en plus. Notre capitale prend des allures de semi-désert. Même le climat, la flore et la faune changent », assure Mme Danielian, docteur en géographie, qui travaille sous la tutelle du Programme des Nations unies pour l’Environnement (UNEP).
Une vingtaine de troncs d’arbres coupés gisent, là où hier encore se dressait un parc. Selon elle, les serpents et les scorpions apparaissent de plus en plus souvent à Erevan. En été, ces animaux pénètrent parfois dans les appartements, semant la panique parmi les habitants.
L’asphalte et les grands immeubles empêchent la capitale de respirer. En été, la chaleur devient insupportable.
« C’est la tendance dans toutes les grandes villes du monde. La vie bouillonne dans les capitales et l’apparition de nouveaux bâtiments est inévitable », justifie Avet Martirossian, chef du département de la protection de l’environnement à la mairie d’Erevan.
« J’avoue que les espaces verts diminuent et cela nous inquiète. Mais nous tentons de réduire l’impact négatif pour l’environnement », assure le responsable.
La mairie demande aux constructeurs de planter de nouveaux arbres et pelouses pour compenser la destruction des parcs. Il est prévu de planter cette année 50.000 arbres et 30.000 buissons, « des espèces résistantes à la poussière et à la pollution », explique M. Martirossian.
« Il est absurde d’autoriser la destruction d’arbres centenaires pour planter de petites pousses auxquelles il faudra des années pour devenir des arbres », réplique Mme Danielian.
Erevan a commencé à connaître des problèmes écologiques à l’époque de l’Union soviétique, avec la montée en puissance de l’industrie. La ville, située dans une vallée et entourée de collines, était souvent recouverte de smog émanant des entreprises polluantes.
La situation s’est un peu améliorée avec la création de plusieurs parcs, agrémentés d’étangs artificiels et de fontaines. La capitale arménienne a commencé à mieux respirer après la chute de l’Union Soviétique et la crise économique qui a conduit à la fermeture de plusieurs usines polluantes.
Mais au début des années 90, les espaces verts ont une nouvelle fois été mis à l’épreuve. Le pays, en guerre avec l’Azerbaïdjan voisin, a été confronté à un blocus et une crise énergétique. Les Arméniens chauffaient leurs maisons avec des arbres coupés illégalement. La superficie des forêts qui représentaient jadis 11% du territoire du pays a alors diminué jusqu’à 8%.
Le pays a réussi à surmonter cette crise en 1995 en intensifiant l’installation du gaz dans les habitations, mais les coupes de bois ont continué pour libérer des terrains pour la construction.
La mairie d’Erevan, une ville peuplée de 3,2 millions d’habitants (près de 35% de la population du pays), prévoit une croissance de la superficie de ses espaces verts de 4.500 hectares d’ici 2020.
« Nous planterons des vignes qui couvriront les murs des maisons pour les protéger du soleil et de la poussière », affirme M. Martirossian.
Mais ces images d’un avenir radieux laissent la population sceptique.
« Ces plans n’existent que sur le papier. Les autorités adoptent des lois sur la protection de la nature, mais ne les respectent pas », affirme Aïk Barseguian, un mécanicien de 60 ans.
« Un parc a été détruit récemment à côté de notre immeuble. Un homme d’affaires connu envisage d’y construire un grand hôtel. Et il a reçu le feu vert du ministère de la Protection de l’environnement », soupire une autre habitante, Soussanna Pogossian.
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